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El Gobierno responderá a la maniobra de Feijóo y Weber contra Ribera "con datos" y "sin caer en el barro"

3. Guerre secrète autour de L'Oréal

La Rédaction de Mediapart

Les enregistrements clandestins reflètent une stratégie nette et vigoureuse du conseiller en patrimoine Patrice de Maistre. Arrivé dans la bergerie Bettencourt voilà six ans par le biais de l'ancien PDG de L'Oréal (de 1988 à 2006) Lindsay Owen-Jones, il cherche à renforcer les positions de son mentor, demeuré président non-exécutif du groupe et institué comme une digue capable de contrer la poussée supposée de Jean-Pierre Meyers, le gendre de Liliane Bettencourt.

Parallèlement à cette guerre de tranchée, une stratégie d'ouverture et de communication est menée en direction de l'Institut de France, doté d'un auditorium André Bettencourt capable d'esbroufer le Gotha...

23 octobre 2009

L'Institut, quai Conti, siège des cinq académies, compte une coupole dorée grâce à l'argent (et non argentée grâce à l'or) de riches mécènes, parfois élus pour cela... Ce palais du savoir, de la sagesse et de l'esprit français, pourra donc bientôt s'enorgueillir d'un amphithéâtre aux frais de la princesse Bettencourt. Patrice de Maistre, gestionnaire de fortune de la milliardaire et qui se voit en chef du protocole, dégaine l'arme fatale par excellence, le déjeuner en ville:

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«Et puis j'ai demandé au ministre Eric Woerth d'être là»

27 octobre 2009

Quatre jours plus tard, Patrice de Maistre revient sur cette affaire d'auditorium (qui nécessite un investissement de 10 millions d'euros), qui s'avère comme un levier de promotion de la maison Bettencourt, mêlant le pouvoir de l'argent, de la politique et du symbolique. Le gestionnaire de fortune annonce la couleur, sans se douter du parfum de scandale: «Ça va être sensationnel!» Au passage, Patrice de Maistre précise, à propos d'Eric Woerth, alors ministre du budget et aujourd'hui ministre du travail, ceci: «Eric Woerth qui est un ami». Lequel Woerth lui a remis, comme on ne le sait que trop, une désirée Légion d'honneur.

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Mais l'Institut, important pour la parade, n'est rien à côté du nerf de la guerre, l'entreprise fondée par Eugène Schueller, le père de Liliane Bettencourt: L'Oréal, objet de soins et de ressentiments. Où l'on découvre, derrière l'apparent conflit mère/fille autour de l'abus de faiblesse, de grandes manœuvres dont l'enjeu est l'avenir de L'Oréal, Patrice de Maistre bataillant non seulement contre l'actionnaire suisse Nestlé mais surtout contre le gendre de Liliane Bettencourt, pour mieux contrôler l'avenir du groupe mondial de cosmétiques. Au service de qui? Mystère…

«Votre gendre est en train de manipuler, de voir Nestlé»

7 septembre 2009

Patrice de Maistre expose longuement à Liliane Bettencourt une stratégie qui devrait permettre, à ses yeux, de garder le pouvoir malgré le temps qui érode les positions les mieux établies. L'ancien PDG de L'Oréal (dont il est resté président), Lindsay Owen-Jones (né en 1946), est l'objet de toutes les attentions de Patrice de Maistre. Directeur général de L'Oréal depuis 2006, Jean-Paul Agon sera heureux d'apprendre ainsi ce qui se trame à son insu.

Le lecteur-auditeur appréciera le talent manœuvrier de Patrice de Maistre: «Vous avez Lindsay chez L'Oréal et vous avez moi ici, dit-il à un moment à Liliane Bettencourt. Avec ça, on peut tenir…» Suivent quelques rires étouffés, puis cette phrase de chute, dont la forme interrogative habille une ferme injonction, phrase qui revient comme un refrain dans les conversations: «Vous êtes d'accord?!»

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«On va vous mettre dans un coin»

7 septembre 2009

Dans la foulée de sa déclaration, ce jour-là, Patrice de Maistre conditionne Liliane Bettencourt à propos de sa fille, Françoise, et surtout de son gendre, Jean-Pierre Meyers:

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«Vous continuez de régner sur L'Oréal»

29 octobre 2009

Près de deux mois plus tard, Patrice de Maistre introduit dans l'esprit de Liliane Bettencourt la possibilité de placer, peut-être un jour, son petit-fils aux commandes de L'Oréal, ce qui permettrait d'escamoter la fille et le gendre. Patrice de Maistre cite l'exemple de Bernard Arnault (il parle en connaissance de cause: il se trouve que l'épouse actuelle de Patrice de Maistre est divorcée de Bernard Arnault):

AudioLes juifs? «Ils vont toujours là où il y a de l'argent»

19 novembre 2009

Le mois suivant, Patrice de Maistre revient à la charge. Difficile, pour Liliane Bettencourt, d'annuler les actions données en nue-propriété à sa fille Françoise, même si un accord avec Nestlé pourrait légèrement proscrire l'héritière unique... Cependant, jouer le petit-fils contre la fille séduit décidément le gestionnaire de fortune.

Il cite le cas des Agnelli. Le petit-fils Agnelli est juif. Tout comme le gendre de Liliane Bettencourt, Jean-Pierre Meyers. Notons cette façon typique, à la fin de l'extrait, de flétrir ces «juifs (qui) vont toujours là où il y a de l'argent». Ce préjugé, pour s'en tenir à un euphémisme, revient régulièrement dans les vingt et une heures d'enregistrements clandestins du maître d'hôtel de Liliane Bettencourt:

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«Il a un énorme ego, Lindsay. Et il n'a plus le pouvoir»

19 novembre 2009

Dans la foulée et a contrario, Patrice de Maistre expose à Liliane Bettencourt sa vision de Lindsay Owen-Jones, l'ancien PDG de L'Oréal demeuré président du groupe, qui incarne la vie simple et tranquille: «Voitures, avions, bateaux.» Bref, un gars bien, même si son ego est démesuré, même s'il a touché un maximum d'argent de la milliardaire lorsque l'occasion lui en fut donnée:

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«Ni Nestlé ni nous ne pouvons bouger à cause du pacte»

14 décembre 2009

Patrice de Maistre fanfaronne moins devant son employeuse à propos de la meilleure façon de verrouiller, face à Nestlé, L'Oréal, qui requiert du reste l'attention de Nicolas Sarkozy. L'essentiel du discours du gestionnaire de fortune consiste à culpabiliser sournoisement la milliardaire, pour avoir cédé ses actifs en nue-propropriété à une fille jugée, à haute et intelligible voix, inquiétante:

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«Je ne suis plus très tendre avec votre fille»

13 janvier 2010

Ultime salve à l'encontre de Françoise, fille honnie, de la part d'un Patrice de Maistre persuadé d'avoir l'oreille de Liliane Bettencourt. Le raisonnement se veut imparable. Si votre fille n'a pas déclaré à la presse qu'elle ne vendrait jamais L'Oréal à Nestlé, c'est qu'elle s'apprête à vendre, d'ores et déjà:

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Une fondation comme trésor de guerre

23 avril 2010

Un petit détour par le patrimoine de Liliane Bettencourt s'impose d'emblée. Voici comment le gestionnaire de fortune, Patrice de Maistre, présente la situation à sa cliente. Notons la faiblesse des impôts par rapport à la cataracte de dividendes. Notons de surcroît que ces impôts semblent obéir à une somme forfaitaire:

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«Courage, fuyons»

12 juin 2009

Le gestionnaire de fortune explique à sa cliente qu'une guerre d'usure semble entamée avec le gendre Jean-Pierre Meyers à propos de la fondation Bettencourt-Schueller et de la donation considérable que voudrait effectuer la milliardaire en distrayant 7% de ses actions de la société Téthys:

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«Je suis un épouvantable bonhomme»

12 juin 2009

Patrice de Maistre explique dans la foulée à Liliane Bettencourt qu'une guerre de position s'engage et qu'il serait bon de soigner les relations avec Marc Ladreit de La Charrière, énarque, (moindre) milliardaire, administrateur de L'Oréal, élu à l'Académie des Beaux-Arts, éminence grise de l'Institut et mécène du Louvre:

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«On fait ce qu'il faut pour les neutraliser»

29 octobre 2009

Le gestionnaire de fortune revient sur la guerre de position. Il faut contrer Jean-Pierre Meyers:

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«Tout est verrouillé»

19 novembre 2009

Patrice de Maistre estime progresser devant Liliane Bettencourt à propos de sa fondation. Il passe en revue les différents acteurs qui semblent se contenter d'observer, au premier rang desquels Nestlé:

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«Il va falloir donner une interview»

19 novembre 2009

Dans la foulée, le gestionnaire qui se veut visionnaire, estime qu'une telle donation pourrait effacer en partie, dans l'esprit public, les largesses consenties à l'endroit du photographe François-Marie Banier. Une bonne interview devrait y aider:

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«Vous ne sortez pas d'argent»

13 janvier 2010

Patrice de Maistre explique à sa patronne, une bonne fois pour toutes semble-t-il espérer, le mécanisme et les enjeux de la donation à la fondation, avec pour credo final: «Il va falloir communiquer.»

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«On a un petit peu expliqué qui vous étiez»

25 mars 2010

Patrice de Maistre revient d'un voyage d'études aux États-Unis d'Amérique. Il en rend compte à Liliane Bettencourt dans le bureau de son hôtel particulier de Neuilly. Il a rencontré des représentants de la fondation Howard Hugues. Un partenariat semble souhaitable, possible. C'est exaltant:

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«Les moutons auront moins peur»

25 mars 2010

L'enthousiasme visionnaire inspiré d'outre-Atlantique devrait se heurter, explique le gestionnaire à sa patronne, aux conformismes et à la pusillanimité propres à la France, sauf si le nom de Howard Hugues agit en sésame.

Notons, vers la fin de la séquence, lorsque Patrice de Maistre dit, en pensant au doigté psychologique dont il faudra faire preuve («Il faudra...»), comment Liliane Bettencourt termine la phrase à tort en lâchant un symptomatique: «Remettre de l'argent»...

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Les enregistrements clandestins reflètent une stratégie nette et vigoureuse du conseiller en patrimoine Patrice de Maistre. Arrivé dans la bergerie Bettencourt voilà six ans par le biais de l'ancien PDG de L'Oréal (de 1988 à 2006) Lindsay Owen-Jones, il cherche à renforcer les positions de son mentor, demeuré président non-exécutif du groupe et institué comme une digue capable de contrer la poussée supposée de Jean-Pierre Meyers, le gendre de Liliane Bettencourt.

Deux décisions de justice ont validé le travail d'information de Mediapart depuis le début de l'affaire Bettencourt. Devant le tribunal de grande instance de Paris, puis devant la cour d'appel de Paris, Liliane Bettencourt et son gestionnaire de fortune, Patrice de Maistre, ont demandé en référé le retrait de nos premières révélations, estimant qu'elles portaient atteinte à l'intimité de la vie privée puisqu'elles s'appuyaient sur les enregistrements clandestins réalisés par l'ancien maître d'hôtel de Mme Bettencourt. Le 1er juillet, en première instance, puis le 23 juillet, en appel, les juges parisiens ont clairement rejeté cette demande, estimant que notre travail était

«d'intérêt public».

Le jugement du tribunal de Paris précisait que nos révélations relevaient «de la publication d'informations légitimes et intéressant l'intérêt général». Confirmant le jugement de première instance, l'arrêt de la cour d'appel de Paris défend «la légitime information du public»: «Les informations ainsi révélées, concluait la cour, qui mettent en cause la principale actionnaire de l'un des premiers groupes industriels français, et dont l'activité et les libéralités font l'objet de très nombreux commentaires publics, relèvent de la légitime information du public; il en est a fortiori de même lorsque ces informations concernent l'employeur de la femme d'un ministre de la République, alors trésorier d'un parti politique.»

Via leurs avocats, Liliane Bettencourt et Patrice de Maistre ont cependant déposé un recours en cassation contre l'arrêt de la cour d'appel.

Favorables à la liberté de l'information, ces décisions de justice ont donné acte à Mediapart du sérieux et de la rigueur de son travail journalistique. Depuis notre premier article du 16 juin révélant les enregistrements clandestins, nous avons pris le soin d'expliquer notre démarche en ces termes: «Après avoir pris connaissance de l'intégralité de ces enregistrements, Mediapart a jugé qu'une partie consistante de leur contenu révélait des informations qu'il était légitime de rendre publiques parce qu'elles concernaient le fonctionnement de la République, le respect de sa loi commune et l'éthique de ses fonctions gouvernementales. Nous avons bien entendu exclu tout ce qui se rapportait de près ou de loin à la vie et à l'intimité privées des protagonistes de cette histoire. Nous nous en sommes tenus aux informations d'intérêt général. Figurent donc dans ces verbatims les seuls passages présentant un enjeu public: le respect de la loi fiscale, l'indépendance de la justice, le rôle du pouvoir exécutif, la déontologie des fonctions publiques, l'actionnariat d'une entreprise française mondialement connue.»

C'est la même démarche qui a prévalu dans la sélection des enregistrements mis en ligne avec notre nouvelle série qui revisite les origines de l'affaire Bettencourt. N'ont été retenues dans ces enregistrements, premières pièces à conviction des enquêtes judiciaires en cours, que les informations d'intérêt public, dévoilant, éclairant ou expliquant de potentielles infractions en train de se commettre.

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