Deux décisions de justice ont validé le travail d'information de Mediapart depuis le début de l'affaire Bettencourt. Devant le tribunal de grande instance de Paris, puis devant la cour d'appel de Paris, Liliane Bettencourt et son gestionnaire de fortune, Patrice de Maistre, ont demandé en référé le retrait de nos premières révélations, estimant qu'elles portaient atteinte à l'intimité de la vie privée puisqu'elles s'appuyaient sur les enregistrements clandestins réalisés par l'ancien maître d'hôtel de Mme Bettencourt. Le 1er juillet, en première instance, puis le 23 juillet, en appel, les juges parisiens ont clairement rejeté cette demande, estimant que notre travail était
«d'intérêt public».
Le jugement du tribunal de Paris précisait que nos révélations relevaient «de la publication d'informations légitimes et intéressant l'intérêt général». Confirmant le jugement de première instance, l'arrêt de la cour d'appel de Paris défend «la légitime information du public»: «Les informations ainsi révélées, concluait la cour, qui mettent en cause la principale actionnaire de l'un des premiers groupes industriels français, et dont l'activité et les libéralités font l'objet de très nombreux commentaires publics, relèvent de la légitime information du public; il en est a fortiori de même lorsque ces informations concernent l'employeur de la femme d'un ministre de la République, alors trésorier d'un parti politique.»
Via leurs avocats, Liliane Bettencourt et Patrice de Maistre ont cependant déposé un recours en cassation contre l'arrêt de la cour d'appel.
Favorables à la liberté de l'information, ces décisions de justice ont donné acte à Mediapart du sérieux et de la rigueur de son travail journalistique. Depuis notre premier article du 16 juin révélant les enregistrements clandestins, nous avons pris le soin d'expliquer notre démarche en ces termes: «Après avoir pris connaissance de l'intégralité de ces enregistrements, Mediapart a jugé qu'une partie consistante de leur contenu révélait des informations qu'il était légitime de rendre publiques parce qu'elles concernaient le fonctionnement de la République, le respect de sa loi commune et l'éthique de ses fonctions gouvernementales. Nous avons bien entendu exclu tout ce qui se rapportait de près ou de loin à la vie et à l'intimité privées des protagonistes de cette histoire. Nous nous en sommes tenus aux informations d'intérêt général. Figurent donc dans ces verbatims les seuls passages présentant un enjeu public: le respect de la loi fiscale, l'indépendance de la justice, le rôle du pouvoir exécutif, la déontologie des fonctions publiques, l'actionnariat d'une entreprise française mondialement connue.»
C'est la même démarche qui a prévalu dans la sélection des enregistrements mis en ligne avec notre nouvelle série qui revisite les origines de l'affaire Bettencourt. N'ont été retenues dans ces enregistrements, premières pièces à conviction des enquêtes judiciaires en cours, que les informations d'intérêt public, dévoilant, éclairant ou expliquant de potentielles infractions en train de se commettre.