Liliane Bettencourt vit au milieu de bonnes et de mauvaises fées, de croquemitaines et de coups du sort, d'ogres et de retournements de situation. S'organise autour d'elle une ronde d'hommes plus ou moins de loi, qui l'abreuvent de conseils et la truffent d'opinions. En vue, le fonctionnement de la justice dans ce procès intenté à la fille de la milliardaire au photographe François-Marie Banier.
3 juillet 2009
Liliane Bettencourt demande: «Racontez-moi comment vous allez me sauver des eaux». Fabrice Goguel explique comment il s'est procuré les témoignages des gens de maison contenus dans la plainte de la fille, Françoise Bettencourt-Meyers. Cet avocat fiscaliste associe lucidité et franchise. Ainsi, quand Liliane Bettencourt l'interroge sur l'improbable éventualité que François Marie-Banier ait vraiment qualifié ses petits-enfants de «crottes de chiens», il répond sans hésiter: «Je le vois dire n'importe quoi»…
Audio
«Ce serait plus agréable pour tout le monde si cette affaire s'arrêtait là»
21 juillet 2009
Patrice de Maistre, gestionnaire de fortune, a désormais la haute main sur le procès après avoir évincé Fabrice Goguel. François-Marie Banier est au téléphone, dont toutefois il se méfie, croyant que «Mademoiselle Bettencourt écoute tout». Loin d'être anecdotique, cet extrait montre combien le gestionnaire de fortune de Liliane Bettencourt fait cause commune avec le photographe bénéficiaire d'un milliard d'euros de dons divers.
Audio
«L'Elysée m'avait dit qu'il a un très bon contact avec le procureur»
29 octobre 2009
Patrice de Maistre fait part à Liliane Bettencourt de ses grandes manœuvres sur le plan judiciaire. Il se loue d'une acquisition de choix: Me Georges Kiejman. Après avoir eu recours aux services de Me Paul Lombard en raison de ses bonnes relations avec le procureur Courroye –«Pour avoir le contact avec le magistrat», explique le gestionnaire de fortune–, Patrice de Maistre a choisi Me Kiejman parmi trois candidats, pour son «autorité» et son «intelligence», précise-t-il. Une parenthèse croquignolette durant cette scène. Patrice de Maistre fait état de sa méfiance prémonitoire envers le maître d'hôtel (auteur des enregistrements clandestins): «Il veut écouter»...
Audio
«On n'a aucun contrôle sur la petite présidente du tribunal»
19 novembre 2009
Patrice de Maistre affirme à nouveau sa confiance en l'issue finale du procès, tout en fustigeant la «petite présidente du tribunal» de Nanterre (Isabelle Prévost-Desprez) sur laquelle il se plaint de n'avoir «aucun contrôle»...
Audio
«Vous allez gagner. Le problème, c'est de savoir quand»
30 novembre 2009
Lors d'une longue réunion au sommet entre Me Georges Kiejman, sa cliente Liliane Bettencourt et son gestionnaire de fortune, Patrice de Maistre, ce dernier récapitule la situation pour la dame de 87 ans:
Audio
«A la fin, ils ne gagneront pas»
7 avril 2010
La date du procès, fixée au 1er juillet 2010, se rapproche. Énième récapitulatif de Patrice de Maistre à Liliane Bettencourt, avec une lumière crue sur les enjeux économiques et politiques, par-delà les questions familiales, du procès en cours. Où l'on retrouve, avec virulence, la rivalité du gestionnaire de fortune envers la propre famille de Mme Bettencourt, en l'occurrence son gendre et sa fille:
Audio
«Liliane, c'est important ces choses-là»
11 mai 2010
De passage dans le bureau de la milliardaire, le photographe François-Marie Banier, qui a bénéficié, depuis plusieurs années, de dons divers de Liliane Bettenourt ayant frisé le milliard d'euros, est en perte de vitesse depuis que Patrice de Maistre a la haute main sur sa protectrice. Tout entier requis par sa rivalité avec Françoise, la fille, il donne sa version, fébrile, du procès et de la conduite à suivre, de son point de vue, toujours original. L'enjeu de la conversation, relevant des stratégies de communication, est de convaincre Liliane Bettencourt de sortir et de se montrer dans le monde, pour infirmer l'image d'une femme recluse:
Audio
«En appel, le procureur sera de notre côté. Celui-là, c'est un ami»
11 mai 2010
Autre extrait des visions de François-Marie Banier quant à la procédure en cours. Patrice de Maistre donne la réplique, Liliane Bettencourt semble sommeiller la plupart du temps. L'obstacle judiciaire, c'est Isabelle Prévost-Desprez, l'indépendante présidente du tribunal soupçonnée de vouloir épouser «une vindicte populaire» contre la maison Bettencourt et, surtout, celui qui a outrageusement bénéficié de ses largesses.
Le gestionnaire de fortune n'est pas très confiant, aussi a-t-il pris ses précautions pour la suite, en cas d'appel, en s'assurant de la bienveillance du procureur concerné. Assurance obtenue, précise-t-il, «par le plus haut niveau» – où l'on devine un nouveau coup de pouce élyséen. Précautions également prises s'agissant des enjeux capitalistiques et financiers autour de L'Oréal: «Ils ne peuvent pas approcher», confie, catégorique, Patrice de Maistre à François-Marie Banier, à propos de la fille de Mme Bettencourt, Françoise, et de son époux, Jean-Pierre Meyers, membre du conseil d'administration:
Audio
«d'intérêt public».
Le jugement du tribunal de Paris précisait que nos révélations relevaient «de la publication d'informations légitimes et intéressant l'intérêt général». Confirmant le jugement de première instance, l'arrêt de la cour d'appel de Paris défend «la légitime information du public»: «Les informations ainsi révélées, concluait la cour, qui mettent en cause la principale actionnaire de l'un des premiers groupes industriels français, et dont l'activité et les libéralités font l'objet de très nombreux commentaires publics, relèvent de la légitime information du public; il en est a fortiori de même lorsque ces informations concernent l'employeur de la femme d'un ministre de la République, alors trésorier d'un parti politique».
Via leurs avocats, Liliane Bettencourt et Patrice de Maistre ont cependant déposé un recours en cassation contre l'arrêt de la cour d'appel.
Favorables à la liberté de l'information, ces décisions de justice ont donné acte à Mediapart du sérieux et de la rigueur de son travail journalistique. Depuis notre premier article du 16 juin révélant les enregistrements clandestins, nous avons pris le soin d'expliquer notre démarche en ces termes: «Après avoir pris connaissance de l'intégralité de ces enregistrements, Mediapart a jugé qu'une partie consistante de leur contenu révélait des informations qu'il était légitime de rendre publiques parce qu'elles concernaient le fonctionnement de la République, le respect de sa loi commune et l'éthique de ses fonctions gouvernementales. Nous avons bien entendu exclu tout ce qui se rapportait de près ou de loin à la vie et à l'intimité privées des protagonistes de cette histoire. Nous nous en sommes tenus aux informations d'intérêt général. Figurent donc dans ces verbatims les seuls passages présentant un enjeu public: le respect de la loi fiscale, l'indépendance de la justice, le rôle du pouvoir exécutif, la déontologie des fonctions publiques, l'actionnariat d'une entreprise française mondialement connue».
C'est la même démarche qui a prévalu dans la sélection des enregistrements mis en ligne avec notre nouvelle série qui revisite les origines de l'affaire Bettencourt. N'ont été retenues dans ces enregistrements, premières pièces à conviction des enquêtes judiciaires en cours, que les informations d'intérêt public, dévoilant, éclairant ou expliquant de potentielles infractions en train de se commettre.